Capillotracteur

Mon arrière grand- père Vincenzo vivait en Italie dans la région du Frioul. Il est mort à 108 ans foudroyé lors d'un orage.

Mon grand- père était entrepreneur agricole. Son garage regorgeait d'outils les plus ésotériques. Enfant, je déambulais dans ce cimetière des éléphants où l'odeur mêlée de graisse, de poussière et de térébentine donnait de l'âme aux carcasses de tracteurs démembrés.

Gobant l'oxygène à pleine lampée, il fumait trois paquets de Gauloise maïs et ingurgitait une vingtaine de café calvados par jour. La mort de son père l'avait marqué: par précaution, il avait donc installé un paratonnerre sur son engin.

Son Massey- Ferguson fonctionnait au fuel mais peinait à redémarrer. Alors, la nuit, alors qu'il rentrait d'une dure journée, il laissait son tracteur en marche dans la cour de la ferme. A 5 heures, à son réveil, les premiers temps, le tracteur s'était éloigné à cause des vibrations. Mon grand- père devenu animiste avait donc décidé d'attacher son cheval fougueux à un vieux pommier.

Après 42 procès gagnés contre ses voisins, 3 arrêts cardiaques, mon grand- père a passé le flambeau à mon père.

En opposition, mon père a commencé à fumer des gauloises brunes. Il a acheté un tracteur avec la climatisation et s'est laissé pousser les cheveux. Le week- end, il allait faire les courses en Mercedes.