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Roland Barthes et sa mère |
L'attente.
"Suis- je amoureux? - oui puisque j'attends." L'autre, lui, n'attend jamais. Parfois, je veux jouer à celui qui n'attend pas; j'essaye de m'occuper ailleurs, d'arriver en retard; mais, à ce jeu, je perds toujours: quoi que je fasse, je me retrouve désoeuvré, exact, voire en avance. L'identité fatale de l'amoureux n'est rien d'autre que: je suis celui qui attend.
Je relisais hier quelques passages des Fragments d'un discours amoureux. J'imaginais Barthes à la terrasse d'un café, regardant les femmes cachées derrière les jupes et cherchant à retrouver un trait de visage, un port de tête, une main agile qui ressemble le plus à sa mère. Il commandait un Perrier menthe (la menthe favorise l'hyperventilation), regardait le serveur sur son fil d'équilibriste et se disait:
Quel con ce Sartre, traiter le serveur de salaud. Incompétent, usurpateur, ça passe. Mais salaud. En plus, on ne peut même pas dire que ce qu'il y ait de mieux chez Sartre, c'est sa femme. Je préfère Simone Veil.
Et puis, Barthes attendait, attendait...jouant avec la touillette de sa boisson.
Las de cette attente, arriva le moment où il se dit:
Julia m'a posé un lapin.
Il en fut attristé, le nota dans son calpin et partit sans payer.