"En partant de faits tels que la syphilis, la tuberculose, la fièvre typhoïde, les cancers et les fractures, nous avons créé une classe appelée « maladie ». Tout d’abord, cette classe se composait seulement de quelques éléments qui avaient en commun un trait indiquant un état de désordre structural ou fonctionnel du corps humain en tant que machine physico-chimique. Au fur et à mesure que le temps s’écoulait, on a ajouté à cette classe des éléments supplémentaires. Toutefois, on ne les a pas ajoutés parce qu’ils étaient des troubles corporels nouvellement découverts. L’intérêt et l’attention du médecin se sont écartés de ce critère et se sont centrés sur l’incapacité et la souffrance, choisis comme nouveaux critères de sélection. C’est ainsi que des faits tels que l’hystérie, l’hypocondrie, la névrose compulsive-obsessionnelle et la dépression se sont ajoutés, avec lenteur au début, à la catégorie « maladie ». Puis, avec un zèle croissant, les médecins, et en particulier les psychiatres, se sont mis à qualifier de « maladie » (c’est-à-dire bien sûr de « maladie mentale ») tout ce en quoi ils pouvaient détecter un signe de « dysfonctionnement » par rapport à n’importe quelle norme. Donc, l’agoraphobie est une maladie parce qu’on ne devrait pas craindre les espaces ouverts; l’homosexualité est une maladie parce que l’hétérosexualité est la norme sociale; le divorce est une maladie parce qu’il signe l’échec du mariage. Le crime, l’art, la politique de ceux dont on n’aime pas les opinions, la participation aux affaires sociales ou le retrait d’une telle participation — tous ces faits et beaucoup d’autres sont considérés, de nos jours, comme des symptômes de maladie mentale."
Howard Becker, Outsiders
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