jeudi 31 mars 2011

La comtesse aux escarpins

Les chaussures du peinte, via Gry Vince

« Dans l'obscure intimité du creux de la chaussure est inscrite la fatigue des pas du labeur. Dans la rude et solide pesanteur du soulier est affermie la lente et opiniâtre foulée à travers champs, le long des sillons toujours semblables, s'étendant au loin sous la bise. Le cuir est marqué par la terre grasse et humide. Par-dessous les semelles s'étend la solitude du chemin de campagne qui se perd dans le soir. A travers ces chaussures passe l'appel silencieux de la terre, son don tacite du grain mûrissant, son secret refus d'elle-même dans l'aride jachère du champ hivernal. À travers ce produit repasse la muette inquiétude pour la sûreté du pain, la joie silencieuse de survivre à nouveau au besoin, l'angoisse de la naissance imminente, le frémissement sous la mort qui menace. »
Extraits de Chemins qui ne mènent nulle part (Gallimard). Heidegger

Nous allions dîner Au clochard céleste, Adèle m'avait dit: "attends, je mets mes escarpins."
L'emploi d'un terme si vieillot m'avait touché. J'avais pensé: j'attendrai pour le frémissement sous la mort qui menace. Heidegger et Van Gogh peuvent aller se rhabiller.

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