lundi 30 mai 2011

Philosophie du sport (5)

Le tireur de penalty est un homme dénudé.
Ses tempes battent la chamade, le tissu musculaire perd en élasticité, le système nerveux se fait fébrile.
Et puis, il y a cette distance à parcourir entre le groupe de ses amis, où on se touche virilement pour se réconforter et le point de pénalty.
Il marche jusqu'au ballon. Lorsqu'on pense que l'on marche, la démarche en pâtit. Le tireur en marche claudique, il s'imagine tireur couché.
Le gardien de but est immobile, il accueille sourire aux lèvres le condamné à mort. Imaginez un gardien russe au nom oriental, Yachine.
On peut faire preuve de dextérité avec son pied gauche. En revanche, la tension ne doit en aucun cas transformer ce bon pied en jambe de bois. 
A plusieurs reprises, alors que le tireur était nu, avec ce corps mécanique à force de conscience, il s'était dit: "certes tu es nu mais tu ne seras pas toujours devant un gardien aussi talentueux que Yachine. Ton devoir?
Prendre ton temps et viser dans la zone occupée par la tête du gardien."
Car cher Peter Handke, si le gardien doit avoir une angoisse, c'est de prendre le ballon dans le nez; et l'idée d'éponger avec son maillot floqué, le sang de son appendice lui est insupportable. Cette image lui rappelle son enfance. Ce souvenir n'a jamais été cautérisé.

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